Cet événement isolé

Vous pensez que cela ne fait rien?
Vous pensez que ce n’est qu’un événement isolé?

La peur… La peur nous suit, sans cesse. Physiquement, socialement. Les sourires deviennent suspects. Les belles paroles ne font plus d’effet. Au contraire, on reste sur ses gardes, toujours, sans aucune exception. Ne plus croire… en être incapable.

Ne plus faire confiance aux autres, mais surtout à soi-même. Parce qu’un jour, notre ressenti nous a trahi. Nos émotions nous font peur. Nos frissons deviennent des erreurs. Parce qu’un jour, on s’est laissé briser. On a été brûlée. Ne plus se faire confiance, c’est terminé.

Si on a vécu ça, c’est qu’on est en partie responsable. Assumer ses erreurs. Assumer…

J’étais anéantie. Il n’y a pas d’autres mots. Anéantie mais en vie. Étrange sensation de vide et de présence. S’accrocher à une parcelle d’existence. Un morceau d’espoir. Une étincelle.

J’ai pris la décision de n’écrire que mes moments de bonheur. Il fallait s’en sortir, il fallait s’accrocher! On n’a qu’une vie, une seule! Ce n’est pas vrai qu’un événement viendra tout détruire. Ce n’est pas vrai qu’un être humain aussi horrible viendra marquer ma vie. Ça non! Surtout pas lui! Pas ça!

Horrible personnage, être immonde! Comment a-t-il pu me faire ça? Comment a-t-il pu décider, ce soir-là, que je devenais ça? Je suis tellement plus forte qu’il ne le croit, je ne me laisserai pas faire. Je ne le laisserai pas décider. Je ne le laisserai pas me briser.

Vous pensez que cela ne fait rien?
Vous pensez que ce n’est qu’un événement isolé?

Déchirée en deux… déchirée. Pour pouvoir survivre. Cette partie de soi qui a été meurtrie, on l’enfouie. C’est inexplicable. C’est inimaginable. Et cela prend plusieurs années à le réaliser, à l’accepter…

Je ne l’accepte pas encore vraiment… Prendre conscience que pendant tout ce temps, j’ai marché à côté de moi-même…

Pourquoi on ne parle pas lorsque cela nous arrive?
Vous vous demandez bien pourquoi, n’est-ce pas?
Je vais vous dire pourquoi…

Rien de pire que de le dire et de ne pas être cru.
Rien de comparable.
Rien de plus épouvantable.
Passer pour une menteuse qui s’amuse à inventer un viol?
Il n’y a pas plus méprisable.
N’est-ce pas?
Tous les jours, on l’entend cette phrase : « peut-être qu’elle ment pour avoir de l’attention? »

Quand on l’a vécu, on ne veut surtout pas passer pour ce genre de personne.
Alors, dès qu’on ne nous croit pas, on s’enferme. On s’engouffre. On préfère souffrir seule, silencieusement, que publiquement. Le choix est facile, automatique, évident.

Ne rien entendre ou entendre des jugements?
Continuer à avancer ou se battre pour être cru?
Ces gens, je les aime… je ne veux pas les décevoir, je ne veux pas qu’ils me voient comme la fille qui invente ce genre d’histoire. Je ne veux pas qu’on me dise que j’ai été imprudente. Je ne veux pas entendre les reproches, les « tu aurais dû ».

Et puis, de toute façon, ce n’est qu’un événement isolé!
Une mauvaise expérience, un souvenir à oublier!
On tourne la page, on va de l’avant! On se le dit souvent : « ne regarde pas derrière, l’avenir est devant! » Ça ne devrait pas être compliqué? Ça devrait se faire facilement! On est forte, on est capable. Lui, il n’est rien. Je ne m’arrêterai pas en chemin à cause de lui. Ça non.

Malgré cela… Malgré les belles paroles, les promesses que l’on se fait. Malgré nos bonnes intentions et notre force surhumaine… les images sont envahissantes et humiliantes. Notre âme est ternie, broyée, marquée au crayon feutre. Ça nous suit, toujours, sans cesse, sans relâche. Puisque les sons et les images sont trop épouvantables, on les cache au fond, très loin. Mais la cassure est là. Toujours. Elle transparaît dans chacun de nos mouvements, de nos peurs, de nos choix. Elle définit notre vie, notre chemin, notre perception des choses, notre identité. Et tout cela, même si le souvenir est caché.

Je sais que c’est difficile à comprendre, à visualiser. Je comprends tellement, si vous saviez…
Et c’est pour cette raison que je tente sans cesse de l’expliquer.
J’essaie, enfin, de mettre des mots sur l’inconcevable.

Y a-t-il de l’espoir, me demanderez-vous?

Mais il y en a toujours eu! Depuis le début!

Parce que tout ce qu’il pouvait faire de pire, c’était de me tuer!
Il ne m’a pas tuée…
Non, il ne m’a pas tuée.
J’ai survécu.
À ce moment précis où il m’a lâchée,
Mon âme est revenue,
Et l’espoir est apparu…

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