– Pourquoi tu ne veux pas le regarder ce passé?
– Je n’en ai pas besoin.
– Je comprends. C’est vrai. On n’a pas besoin du passé. Tout le monde le dit. Mais si je te demande d’y penser, qu’est-ce qui se passe?
-Je ne vais pas bien. J’aime pas ça. J’le veux pas.
– D’accord. Pourquoi tu ne le veux pas?
– Je ne m’aime pas. Ça me fait mal. On m’a fait mal.
– Qu’est-ce qu’on t’a fait?
– On a été injuste. On m’a utilisée. On m’a blessée.
– Qui ça?
– Les gars.
– Quels gars?
– J’sais pas. J’veux pas y penser. J’aime mieux ne pas savoir.
– Est-ce que ça te fait mal parfois?
– Oui. Et quand ça arrive, ça me fait trop mal…
– Quand est-ce que cela arrive?
– N’importe quand. Il suffit d’un mot, d’une image… la douleur m’étouffe.
– Alors, finalement, ce passé, il est toujours dans ton présent?
– En effet. Et je sais qu’un jour je vais devoir y faire face. Si je veux être libre un jour.
– Et quand le feras-tu?
– J’sais pas… ça me fait peur… J’ai pas le temps… Je suis heureuse, j’ai pas besoin de ça.
– Alors, laisse-le derrière toi ce passé! Tu le dis toi-même, tu n’en as pas besoin!
– Oui mais… j’ai peur! J’ai peur que ce passé ne vienne briser ma vie. J’ai si peur, si vous saviez. J’ai peur que mes amis sachent, que ma famille sache, que mes élèves sachent…
– Sache quoi?
– Ce que j’ai été. Ce qu’on m’a fait. C’est complètement irrationnel, je sais. Mais parfois, je tremble, c’est indescriptible. Je deviens étourdie, j’ai mal à l’intérieur, j’ai envie de disparaître, j’ai honte…
– Il faudra bien un jour que tu règles cela…
– Je le sais. Je le sais tellement. Je ne vivrai pas comme ça toute ma vie. Cela fait déjà assez longtemps. Et ça me suit encore. C’est n’importe quoi…
– Qu’est-ce qu’il va falloir pour que tu te décides?
– Un coup de main. Le sentiment qu’on va m’écouter. L’impression qu’on va me croire. La certitude qu’on ne me jugera pas…
– Alors, je te souhaite qu’un jour, tu puisses ressentir cette confiance.
– Moi aussi je l’espère. Mais je ne sais pas si ça arrivera un jour. Les gens jugent tellement. Et si je vais voir un psy, j’ai peur qu’il me juge aussi. J’ai si honte de moi…
– Regarde-moi. Un jour, tu plongeras, je te le dis. Un jour, tu comprendras tout. Ça te fera mal, j’aime mieux te prévenir, mais tu seras libérée. Tu te demanderas pourquoi tu as attendu si longtemps, parce qu’au final, la culpabilité, elle ne t’appartient pas. Je sais, ce que je te dis, ça te semble absurde, car pour l’instant, tu t’en veux, tu crois que tout est de ta faute, que si ce passé te fais mal c’est que tu as mal agi, que tu as été faible, que tu as été pathétique. Mais si je te dis que ta perception a été brisée par quelqu’un… par quelque chose…
– Vous croyez? En effet, ça se peut, j’en ai aussi le sentiment, mais je ne suis pas du genre à me déresponsabiliser et mettre la faute sur les autres.
– Et cette colère que tu ressens face à ce passé?
– Ho oui… tellement… Ça me donne envie de hurler…
– Tu verras. Tu comprendras beaucoup de choses. Tout se placera. Ce ne sera pas facile, mais ça se placera, enfin. Si je t’expliquais, tu ne comprendrais pas. Tu me traiterais de folle. D’ailleurs, tu te traiteras de folle aussi, crois-moi. Mais ça fera partie du processus, n’aie pas peur.
– Et quand ça arrivera?
– Un jour. Attends. Un jour, tu sentiras que c’est le bon moment. Tu sentiras que les gens seront prêts à entendre.
– Qui?
– La société.
– La société?
– Tu comprendras… Chaque chose en son temps. Tu comprendras.
– Est-ce vraiment nécessaire de retourner là-bas? C’est du passé, ma vie va bien, c’est du passé…
– Tu le sais. Tu le sais que tu n’as pas le choix. Arrête de fuir. Arrête de te mentir. Arrête de nier. Arrête de faire comme si ce n’était pas grave. C’est grave et tu le sais. Tu le sens. Arrête de faire semblant que ça va bien. C’est lourd faire semblant.
– Tellement…
– Tu verras, un jour, tu pourras parler. Tu feras la paix avec toi-même, plus que tu ne le crois. Bien plus que tu ne le crois…
– J’espère que ce que tu dis est vrai.
– Fais-moi confiance Nat. Je viens de là. Tu n’as pas idée du chemin que j’ai fait. Je te le promets, quand tu me rejoindras, on en reparlera!
Je te laisse un message, pour te dire que je te soutiens.
Je t’envoie de l’affection, et un maximum de douceur.
Merci du fond du coeur… ça me touche beaucoup! Tes mots me font du bien, tu ne sais pas à quel point.