Je suis rendue à une drôle d’étape. Celle où j’aimerais tourner la page, cela suffit. Celle où j’ai encore besoin de parler, tellement, mais je ne sais plus à qui. Il me semble que j’ai tout dit. Celle où ma souffrance est encore bien présente et j’ai le sentiment que c’est de ma faute. Pourquoi ne suis-je pas capable de passer à autre chose?
Je m’amuse, je vois des amis, je ris. Je m’occupe de mes enfants, ils me rendent heureuse, je suis si chanceuse. Mais dès que le silence s’installe, tout revient. Pathétique. Pourquoi donc…
Je me réveille encore la nuit avec des flashbacks. Ma tête est encore pleine de cette horreur. Je suis vraiment épuisée. J’ai l’impression que c’est parce que je suis une incapable. Je me nourris de phrases positives, je lis des livres pour m’aider à avancer, je veux avoir les pieds dans le présent, cela fait si longtemps, cela n’existe plus, cela est mort. Alors pourquoi est-ce que cela m’empoisonne encore?
J’aimerais retourner travailler, il me semble que cela me changerait les idées. Mais j’ai peur. J’ai peur de réutiliser les mêmes mécanismes de défense que j’utilise depuis toutes ces années. J’ai peur de tout refouler, une fois de plus, et d’avoir encore ce mal silencieux en moi. C’est là où j’en suis. Je ne connais pas ça. Je n’ai jamais vécu ça, guérir. Quand sait-on que c’est le bout? Quand sait-on qu’on ne peut rien faire de plus? Quand sait-on que l’on ne peut aller plus loin dans le chemin? Souvent, je me dis que ma vie sera comme ça, pour toujours. Alors, vaut mieux l’accepter et vivre maintenant. À quoi bon tourner en rond?
Il y a des jours, encore, où rien ne va. J’ai envie de pleurer, de tout abandonner, de m’abandonner. J’ai la tristesse dans le corps, exactement la même, celle que je traîne depuis. La honte m’envahie, la peur m’étourdie, la colère me détruit. J’ai le sentiment que ça ne sera jamais différent, je suis prise là-dedans, je ne sais pas comment m’en débarrasser, c’est peine perdue, je suis foutue. C’est la déprime totale et je me sens vidée. J’ai l’impression que je ne pourrai jamais avancer. J’ai la conviction que je serai toujours cette fille pathétique, que je ne pourrai jamais changer.
Quand je vais un peu mieux, je m’en veux. « Mais quelle conne je suis! Pourquoi je déprime autant? Franchement… Qu’à tourner la page et c’est tout! Rien de plus simple! » Alors je fais volte-face et je n’y pense plus. Tranquillement, la confiance reprend le dessus. Je me sens forte, solide, gagnante. Je pense à ces moments de déprime et je trouve cela ridicule. Rien de plus facile que d’aller mieux! Je ris, je m’amuse, j’ai de l’énergie. Je bouge, je sors, je profite. Et alors je me dis « Bon! Ça va maintenant! C’est terminé! Je suis guérie! »
Et il ne suffit que d’un silence, d’une pensée qui apparaît dans mon esprit, d’une chanson qui me renvoie là-bas, d’une image à la télévision, d’un cauchemar qui me réveille en pleine nuit, n’importe quoi… vraiment n’importe quoi… et je rechute. Comme si mon cerveau me disait « Tu es prise avec ça, pour toujours. Pour toujours… »
Je tente de ramer sur des vagues incontrôlables. Je m’en veux de ne pas avoir le contrôle. Je ne sais pas comment ramer, je n’ai jamais appris. J’ai fait semblant si longtemps. Si longtemps que je ne disais rien. Si longtemps que je me suis cachée. J’étais un fleuve tranquille. J’étais un lac paisible. Mais ce n’était qu’un mensonge. Les vagues étaient bien là, déchaînées, renversantes. J’étais un océan de tempête. Mais je ne laissais rien paraître.
Parfois, je me dis que la solution, elle est là, tout simplement. Faire semblant, comme je l’ai toujours fait. Dire à mon médecin que tout va bien. Retourner dans ma vie. Préparer mes cours, rire avec mes collègues, accueillir mes élèves avec le sourire. Ça, je sais faire. C’est ce qui m’a toujours sauvée. C’est ce qui m’a permis de ne pas me noyer.
Je suis rendue à une drôle d’étape. Je réalise que rien ne sera plus jamais pareil. Je ne crois plus tant à la vraie guérison. Je me dis « tant pis ». Il faut bien vivre sa vie! À quoi bon se faire croire tout plein d’histoires? Celle-ci est la mienne, je ne la changerai pas. Accepte et vis. Reprends tes esprits. Avale tes médicaments et va de l’avant…
Tout le monde a son avis. Moi, je change toujours d’idée. Je ne sais pas vers où naviguer.
Tu ne seras plus jamais la même, mais ça ne veut pas dire que tout est perdu.
Ne montrer que le beau, c’est aussi un fait de société. C’est la société qui nous dit de sourire, de paraitre heureux pour être heureux. Mais tu as le droit de ne pas sourire. Tu as le droit de ne pas vouloir. Tu as le droit de ne pas aller bien.
Ce n’est pas évident et c’est dur à accepter.
Je passe régulièrement à des phases de « Je ne veux plus, je veux que tout s’arrête. Je veux revenir en arrière et vivre comme avant » mais ce n’est pas possible.
Tu sais, en novembre j’ai fait un gros malaise. Mais les secouristes ne m’ont pas cru au début parce que je souriais beaucoup. On m’a appris à sourire en permanence pour « paraitre ». Et pourtant, là je n’allais clairement pas bien.
Le secouriste m’a dit « c’est la première fois qu’on voit une personne qui fait un malaise en souriant » C’est bizarre non?
Cet anecdote me perturbe, parce que ça montre à quel point on est conditionnés en fait.
Tu le dis toi même c’est » une drôle d’étape ». Ce n’est qu’une étape. Je ne nie pas elle est dure, mais tu vas la surpasser, comme les autres.
Et ne penses tu pas que vouloir faire « comme si (ça allait) », ça te permet également de rester dans un cocon que tu connais bien?C’est rassurant.
Courage <3
Tu as tellement raison… ce n’est qu’une étape. Les mécanismes de défense prennent le dessus pour nous permettre de survivre. Et survivre, c’est s’adapter. S’adapter à notre monde, à ce que l’on a toujours connu. S’adapter à cette vie qu’on nous a appris à vivre. C’est ce que ton cerveau a fait lors de ton malaise en novembre dernier. Il y a de ces réflexes qui nous jettent par terre, qui nous laissent perplexes pendant longtemps. Ce qu’il y a de beau dans tout ça, c’est qu’on apprend à se connaître. On apprend… c’est ce que je retiens. Rien de plus extraordinaire que la connaissance. C’est ce à quoi je m’accroche. C’est ainsi qu’on évolue. C’est ainsi qu’on devient plus fortes. Merci de m’aider à apprendre 🙂