Pourquoi parler?
Parce que je suis égoïste?
Et si c’était ça? C’est peut-être ça! Je ne suis qu’une égoïste qui recherche de l’attention?
Mais je ne veux pas être égoïste! Que dois-je faire? Me taire?
C’est fou quand même… le même discours que le lendemain :
« Tais-toi. Pour qui te prends-tu? Tu n’as pas à te plaindre! Si tu es incapable de te faire respecter, c’est de ta faute! Tu as couru après! Tu voulais vivre ta sexualité? Assume les conséquences! Si tu parles, tu vas te faire démolir. Les gens vont rire de toi. Ils vont dire que de toute façon, tu n’étais qu’une salope. Tu n’as aucune crédibilité. Aucune. Ne te plains pas. Assume. Laisse les gens tranquille. Qui es-tu? Tu te crois importante? Ne sois pas égoïste.»
Ce discours-là, il est en moi depuis ce jour-là. Et je l’entends qui hurle à chaque fois que je parle. Mais je veux faire taire cette voix! L’éteindre! Car elle me fait mal! Et qu’elle est la conséquence d’un crime! Ce qu’elle dit, je sais que c’est faux! Mais c’est difficile… car je la crois encore… Quelle lutte cruelle. Quelle bataille incessante.
Je ne fais pas ça pour avoir de l’attention.
Je le fais pour que la vérité se sache.
Parce que ce que j’ai vécu, ce que je vis présentement, c’est insensé.
C’est encore si méconnu. Et je ne suis pas seule à le vivre.
Je n’en veux pas au gens de ne pas comprendre.
Mais je m’en voudrais de ne pas tenter de leur expliquer.
Parce que certaines personnes le vivent et ne trouvent pas les mots pour l’exprimer.
Moi, je peux.
Le silence serait mille fois plus facile!
Ainsi, je ne me blesserais pas. Ne pas prendre de risque, c’est beaucoup plus sécuritaire! Cela fait 20 ans que je me protège. Je pourrais très bien continuer ma belle vie et me taire. Beaucoup plus simple. Parler, c’est se mettre en danger.
Et puis, il y a cette nouvelle voix en moi :
« Te taire? Toi qui a cette chance dans la vie! Toi qui peux parler pour tant d’autres! Qui a cette capacité de communiquer! Tu veux continuer ta vie tranquillement? Wow… tu me déçois! Toi qui enseigne ces principes, ces valeurs! Qui se donne comme mission d’expliquer la complexité de l’être humain, ses différences, ses émotions, ses aspects méconnus! Tu vas te taire? Comme tu es égoïste… Oui, tu peux te blesser, mais qui n’a jamais risqué de se blesser pour aider? Aider ceux qui ne peuvent parler et ceux qui doivent comprendre. Tu me décevrais. Car tu sais que tu as la capacité de parler. Cesse de penser aux conséquences personnelles. Ne sois pas égoïste… Fonce. »
Ces deux voix s’alternent, selon les journées.
La première me fait tomber.
La deuxième me remet debout.
Une danse étourdissante, épuisante.
Nat, ta vie s’arrêtera un jour.
Tu es une âme parmi des milliards.
Tu n’es pas plus importante qu’une autre.
Mais tu as le droit d’être fière de toi.
Tu as le droit d’être égoïste parfois.
Quel chemin veux-tu prendre?
Lequel te permettrait de te sentir accomplie?
Être égoïste… est-ce parler ou se taire?
Cela dépend de l’intention, peut-être?
Je connais la mienne.
Je ne veux faire de mal à personne.
Je veux seulement allumer une chandelle.
Même si je me brûle.
Je veux être conséquente avec mes principes.
Je me suis protégée assez longtemps.
Il est temps de prendre des risques.
Même si je passe pour une égoïste.
Bonjour,
Je crois que je tombe sur ton blog pour la première. Je prends donc connaissance de ton histoire.
Egoisme, j’aime beaucoup ce mot. Ma représentation de ce mot n’est pas péjorative, loin de là. Je me revendique égoiste parfois, parce que s’écouter, se faire plaisir et prendre soin de soi ne veut pas dire qu’on oublie les autres ou qu’on les blesse. Juste qu’on se passe avant de temps en temps, et c’est bien naturel. Fatigué sera celui qui fera toujours passer les autres avant soi.
En parler n’est pour moi pas égoiste, se taire non plus. C’est un choix à faire avec soi même. Parler, libérer la parole, c’est dénoncer une faute grave oui, oui mais c’est aussi se libérer. Se libérer d’une culpabilité, être reconnue comme victime, se donner la chance d’aller de l’avant et de transformer cette blessure en cicatrice. Voire même d’en faire un combat et d’en faire un blog pour sensibiliser 😉 Parler c’est ne plus subir, c’est devenir actrice de sa vie. « J’ai subi ça contre mon gré, je ne subirai pas le poids du silence, je peux agir ».
Se taire peut aussi être un moyen de se protéger d’une déception judiciaire par exemple, ou de se protéger de nos blessures. « Si je parle, ça va réactiver la douleur/je veux oublier ».
Parler ou se taire est choix. Ce n’est en rien égoiste.
J’espère que ta parole sera entendue par beaucoup et que ton courage en aidera beaucoup aussi.
Prends soin de toi,
Line
Bonjour Line! Merci pour ton message! Ce que tu dis est très juste. J’aime beaucoup quand tu dis de transformer la blessure en cicatrice. Je trouve cette image très forte, car en effet, rien de peut s’effacer, mais on peut rendre cela indolore. Et oui, après avoir été dans le silence pendant des années pour se protéger, la libération de la parole est une action concrète pour reprendre son pouvoir. Parler, c’est faire de son expérience quelque chose qui nous appartient, c’est agir au lieu de subir. Ce blog, c’est pour m’aider, me libérer, car j’y ai droit. J’ai le droit d’être en colère, déçue et indignée. J’ai le droit d’utiliser ce talent qui fait partie de moi, de qui je suis, pour en faire une force qui me soulèvera. Et de ce fait même, je partage pour, peut-être, aider ne serait-ce qu’une seule personne, apporter une connaissance intérieure sur ce sujet si méconnu et tabou. Je ne veux pas avoir vécu tout cela pour rien. On appelle cela « faire du sens ». On m’a fait violence, c’est vrai. Le fait d’en parler, c’est refuser cette violence, c’est se lever en tant qu’être humain, c’est embarquer sur le chemin de la revendication pour un monde plus juste, plus évoluée, plus égalitaire. Car nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Merci encore pour ton message!