La peur me tient, la peur me tue…
Depuis quelques semaines, l’anxiété m’envahie. Je me réveille le matin avec l’impression d’avoir bu 5 cafés. Ce n’est pas la première fois que je vis cela. Dans les dernières années, j’ai vécu cela souvent, sans savoir ce que j’avais. J’avais peur que ce soit un virus à mon cœur ou quelque chose comme ça. Ou encore la fatigue, tout simplement, comme un médecin m’avait déjà dit.
Mais dernièrement, je ne suis pas fatiguée, au contraire! Cela fait maintenant presque 8 mois que je ne travaille plus. Alors, la fatigue, on repassera. Mais alors, qu’est-ce que j’ai?
J’en ai parlé à ma psychothérapeute. Je lui ai dit le moment où c’est revenu. « Quelque chose te stressait à ce moment-là? » « Non, aucunement. » Ce qui est étrange, et cela me fait toujours la même chose, c’est que mon cœur se met à faire des siennes, comme ça, pour rien. Ça dure deux, trois semaines, sans arrêt. Et tout à coup, je me rends compte que ça s’est arrêté. Bizarrement. Et c’est pour cela que c’est inquiétant. Il n’y a aucune raison pour que ça commence, aucune raison pour que ça arrête!
Cette semaine, je crois que j’ai compris…
Je crois que j’ai mis le doigt dessus.
Car ma psychothérapeute m’a donné une piste pour que je trouve.
Et je n’en ai presque pas dormi de la nuit.
J’ai peur.
La peur me tient. Elle est dans mon corps. Je la sens qui m’empêche de respirer.
La question était : « De quoi ai-je peur? » Car je n’ai pas peur de lui, il n’est absolument rien pour moi. Je n’ai pas peur de ce porc, je n’ai que du mépris. Je n’ai pas peur que ça m’arrive encore, comme on me l’a suggéré. Non, je me sens en sécurité, je n’ai pas l’impression que cela m’arrivera de nouveau. On me dit « Oui, mais c’est inconscient, ton corps a peur que l’événement se reproduise. » Ha… peut-être. Mais ça ne collait pas.
Mais l’autre soir, couchée dans mon lit, avec cette peur qui me submerge à en avoir le souffle coupé, j’ai compris. J’ai tellement mis le doigt dessus. Tellement, qu’elle s’est mise à hurler, enfin… cela fait tant d’années qu’elle fait du bruit en silence.
J’ai peur que ça se sache.
J’ai tellement peur que ça se sache.
Cette peur est en moi depuis le lendemain. Je me disais « ça y est, ce porc, il va aller se vanter. Tout le monde va penser que je suis une salope. Tout le monde va savoir que je suis violable. »
Je la reconnais cette peur. C’est la même. C’est celle que j’ai ressentis, exactement elle! Elle est encore dans mon corps! Et cette année, c’est encore plus fort… parce que j’ai parlé! Les gens savent! Pourquoi j’ai parlé? Pour me faire croire que je n’ai plus peur… Mais j’ai encore peur!
Mais là, si j’ai peur, c’est de ma faute. Puisque certaines personnes savent, et que ces personnes peuvent parler, et que les gens vont me juger, et qu’on va peut-être me faire du mal avec ça, et qu’on ne me verra plus jamais de la même façon… et surtout, peut-être qu’on ne me croira pas. On va penser que je fais des histoires, que j’essaie d’attirer l’attention. Ho non… Quelle horreur…
Pourquoi j’ai parlé? Pourquoi j’ai fait ça? C’est foutu, je m’étais juré de ne jamais en parler et je me suis trahie. Je ne peux pas revenir en arrière. J’ai cru bien faire en sortant cela de moi. Parler, c’était me libérer! Maintenant, j’ai l’impression d’être en prison. Écrire, ça me permettait d’évacuer! Maintenant, je sens que c’est un piège. Ces textes me nuiront peut-être un jour. Pourquoi… mais pourquoi je n’ai pas fermé ma gueule?
J’ai voulu protéger ma vie, mon intégrité, en ne dévoilant pas ce qui est arrivé. J’ai quitté mes amis, j’ai fui cet endroit, pour ne jamais en entendre parler. Pour effacer. J’ai toujours su que je ne devais pas me retourner, que ça me ferait mal. Probablement que certains mots ou certaines images me replongeaient dans ce passé et causaient cette anxiété que je considérais sortie de nulle part. Pour ce qui est de l’anxiété de cette année, je peux maintenant comprendre pourquoi ça se déclenchait : répondre à une question à ce sujet, expliquer à nouveau, voir quelqu’un qui sait, avoir peur que l’autre le sache alors qu’il n’est pas supposé savoir, croiser le regard d’un ancien élève en espérant qu’il ne le sait pas…
Et voilà. Il ne suffit que de cela. Le cœur s’emballe.
La peur que ça se sache.
Voilà pourquoi je n’ai rien dit le lendemain, ni les jours suivants, ni les mois suivants, ni les années suivantes… parce que cette peur m’en empêchait. Et elle est forte, tenace. Illogique peut-être. Et pourtant si logique quand on y pense. Car on change dans le regard de l’autre si l’autre sait. Je ne voulais pas être celle qu’on a un jour réussi à violer. Ce viol, je ne le voulais pas dans l’histoire de ma vie. Je ne le voulais pas dans mon identité.
On dit aux filles : « Si tu te fais violer, il ne faut pas que tu te laves! Il faut que tu ailles à l’hôpital! Si tu t’es lavée, tu es foutue! » Mais quelle aberration!!!
Le lendemain, j’ai sauté dans la douche. Et je l’entendais cette voix, ce conseil de merde. En me lavant, je l’entendais… Mais moi, je me disais « tiens, trop tard maintenant. C’est effacé. Trop tard maintenant. Il n’y a rien à faire dorénavant. » Ho que je me rappelle…
Mais comment elles font les filles pour aller à l’hôpital et raconter cela? Moi, je les admire, sérieusement! Le courage de revivre cette horreur! De le raconter! De se faire examiner!!! Alors qu’après, tout ce que tu veux, c’est pleurer, ne voir personne…
Le silence était mon meilleur allié. Ma seule porte de sortie. Le silence était ma bouée de sauvetage. Il me permettait de survivre, de continuer ma vie comme si rien ne s’était passé. Grâce au silence, je pourrais cesser de souffrir un jour. Car en parler ne ferait que planter l’événement dans ma vie. Non. Il n’en était pas question. Ce porc, il ne méritait pas que son geste s’inscrive dans mon histoire. Ce porc, il ne méritait que mon indifférence. L’oubli total.
Maintenant, c’est foutu. J’ai ouvert la boîte de Pandore. Tout est revenu dans ma mémoire. Les images, la tristesse, l’horreur. Et pour tenter de m’en sortir, j’ai parlé. J’ai écrit.
Je lui ai même écrit à lui…
Quelle conne je suis.
J’ai replanté l’événement dans ma vie.
Ho.. Ca m’attriste de te lire comme ça..
Ce n’est pas de ta faute si tu as peur. C’est un instinct primitif aussi.. Ce n’est pas de ta faute ce qu’il t’ait arrivé. C’est lui le fautif.
Tu n’es pas conne. Par contre lui.. il n’y a pas de mots pour le décrire.
Tu es forte justement parce que tu commences à parler, à te sortir de cette culpabilité qui n’est pas la tienne en réalité. C’est lui qui doit culpabiliser.
Si les autres parlent en disant que tu es « une salope », c’est qu’ils ne méritent pas ton attention ni ta présence auprès d’eux. Ils n’auront jamais d’empathie pour toi. Tu mérites mieux.
Le silence, c’est un moyen de fuir et de se protéger soi-même. C’est bien par moment. Mais ce n’est pas la solution, tu le sais.
Tu parles, tu écris, c’est énorme. Continue! Tu n’as pas à culpabiliser! Je te félicite de cette démarche, de ce courage.
Oui c’est une étape douloureuse de tout remuer, mais je suis certaine que tu vas avancer et devenir quelqu’un de bien plus forte qu’avant.
Courage Nat. Tu ne peux que y arriver !
Tes mots me touchent énormément! Tu es d’une telle empathie, c’est si gentil. J’ai hésité à publier cet article car je le trouvais dur, mais ma douleur y est pure. Je crois que tout cela est normal, cela fait des années que je traîne ce mal en moi. Je dois évacuer cette douleur et surtout, cette peur qui m’empoisonne. Il y a des hauts et des bas, cela fait partie du processus. Comme toi, je crois que j’en ressortirai plus forte. Toucher le fond du puit est probablement nécessaire. C’est que je reprends contact avec cette tristesse et cette honte qui sont toujours restées en moi. Et comme tu le dis, la culpabilité lui appartient. Le sentiment d’injustice restera par contre, j’en ai bien peur, et c’est très difficile à accepter. On me dit que la vie se chargera de lui. Peut-être. Pendant ce temps, moi, je dois tout brasser à l’intérieur de mon âme. Tout réparer. Cette période difficile que je vis présentement, je sais qu’un jour, je comprendrai à quel point c’était une bénédiction. Merci infiniment pour ton grand coeur et ta main tendue de l’autre côté de l’océan 😉
Avant toute chose je voulais aussi ajouter ceci à mon commentaire. Surtout n’ait pas honte d’avoir peur. C’est ce qui nous différencie des monstres. Et ça te rend humaine. Tu as peur et c’est normal. Ne culpabilise pas, c’est normal.
Je comprends que tu aies hésité mais tu as bien fait. Parce que tu dois faire les choses pour toi, tu comptes plus que n’importe qui dans ton monde. Tu es la seule à pouvoir t’amener vers le bonheur et tu vas y parvenir. C’est certain.
Je pense que nous avons une manière similaire de voir les choses. Je suis comme toi, je sais que mes périodes de down me font du mal sur le moment mais je suis persuadée que c’est une bonne raison. Je sais que plus tard je vais comprendre pourquoi j’ai dû passer par là pour aller mieux. C’est juste que sur le moment, on a parfois envie de baisser les bras. Parce que c’est fatiguant de lutter.
L’injustice est une réaction normale également. Tu penses bien que je comprends. Surtout que pour mon sujet, il y en a beaucoup qui essayent de frauder. Donc on se retrouve à côtoyer parfois des fausses victimes, qui utilisent notre histoire pour … avoir de l’argent ou par narcissisme.. Donc en tant que victime on se doit de se justifier d’être une vraie contrairement aux fausses..
Je comprends que tu puisses culpabiliser et que cette peur t’empoissonne. Elle m’empoissonne aussi. J’ai du mal à gérer lorsque ce sont des réactions physiques. Quand c’est psychologique je peux les cacher.. mais quand c’est physique.. Ca m’agace. Et ça me montre encore une fois que je suis différente des « autres ».
La vie se chargera de lui, ou pas. Quoi qu’il arrive la fin sera la même. Mais tu n’as pas à t’en préoccuper. Ce qu’il lui arrive ne changera rien à ta vie. Et de toute façon, ce n’est pas important.
Le plus important c’est toi. Et c’est tout.
Merci également à toi <3 Je suis heureuse de t'avoir découverte!