Agression sexuelle : quoi dire à une victime?

« Tu as tout ce que tu désires, la belle vie! »

« Pense à tes enfants, ils sont ta richesse! Ils ont besoin de toi… »

« Pense à autre chose! Change-toi les idées! »

« C’est du passé… »

Ces paroles sont sincères et remplies de bonnes intentions, mais malheureusement, elles ne sont pas très aidantes pour une victime d’agression sexuelle. Rassurez-vous, je n’ai aucune colère lorsque j’entends ces conseils. Au contraire, je sais à quel point il doit être difficile de trouver les mots. Je suis reconnaissante envers toutes ces personnes qui m’ont aidée, écoutée et surtout, qui n’ont jamais douté.

Je me suis posée la question : quelles sont les paroles qui m’ont le plus réconfortées? Car souvent, les gens ne savent pas à quel point une simple phrase peut tout changer.

Premièrement, croire. Ne pas douter. Je me souviens lorsque ma belle-sœur m’a serré dans ses bras, sans attendre, sans que je n’aie eu à en dire davantage.

S’il m’a fallu 20 ans pour parler, c’est qu’il était trop difficile de prendre le risque et de voir le doute dans un regard ou de l’entendre dans une parole. Ce qui m’est malheureusement arrivé le lendemain du viol. J’ai tendu la main à un ami, j’avais besoin d’aide. Mais il a douté. Il n’a pas su comment faire, j’imagine. Il a insinué que j’avais ma part de responsabilité. Je me suis refermée complètement. Je vous en supplie, ne doutez jamais. Les dommages sont épouvantables. Le sentiment de culpabilité transforme la victime en complice. Et elle peut rester dans cette prison à jamais.

Lorsque j’ai décidé de parler, 20 ans plus tard, j’avais si peur d’entendre encore ce doute. Mais lorsque j’ai entendu le soutien des gens que j’aime, la libération a pu être possible.

Admirez sa force! Parler prend beaucoup de courage. Vous ne vous doutez pas à quel point il est difficile pour la victime de raconter son agression, elle est devant vous complètement vulnérable. Dites-lui que vous l’admirez, qu’elle est courageuse, qu’elle est forte. La victime doit reprendre son pouvoir. Car c’est bien de cela  dont il est question, l’agression sexuelle est une lutte de pouvoir. Quelqu’un a utilisé son pouvoir et la victime a subi le traumatisme de l’impuissance. C’est un sentiment horrible qui empoisonne l’estime de soi.

Écoutez. Il est normal que la personne qui se confie parle sans cesse, répète, ressasse les mêmes histoires. C’est qu’elle est en train de faire du ménage et d’accepter l’événement. Elle doit replacer les morceaux, faire du sens, comprendre. Être écouté a été pour moi la plus grande libération. Nul besoin d’essayer de trouver les mots. Écoutez. Même si vous entendez la même chose des centaines de fois. Je me sentais mal de répéter les mêmes choses, mais ma cousine me rassurait « C’est normal, tu en as besoin. Je suis là pour t’écouter.»

Admettez. Nommez. Je me souviens lorsque la question se posait sans cesse dans ma tête « pourquoi il m’a fait ça? » J’essayais de comprendre. Et ma psychothérapeute m’a simplement répondu « parce que c’est un violeur. » Point. Elle venait de nommer. Et pour moi, ce fut un poids de moins sur mes épaules. N’ayez pas peur d’admettre et de nommer les choses telles qu’elles sont. « C’est horrible » « C’est épouvantable » « C’est un viol » « C’est insensé » « Il n’avait pas le droit ».

Intéressez-vous à l‘événement. Posez des questions. N’ayez pas peur de le faire. Les questions confirment à la victime que son histoire a de l’importance pour vous. « Tu le connaissais? » « As-tu eu peur? » « Avait-il déjà essayé auparavant? » Évidemment, ne posez pas des questions qui pourraient faire sentir à la personne qu’elle y ait peut-être pour quelque chose « Comment étais-tu habillée? » «  Pourquoi ne l’as-tu pas repoussé plus violemment? » Les questions empreintes de jugement sont à proscrire. Mais sinon, moi je n’attendais que cela, qu’on me pose des questions. Car j’avais toutes les réponses.

Soyez en colère! Cela peut sembler étrange, mais pour moi c’était la plus grande preuve d’empathie. Probablement parce que j’ai refoulé cette colère et que je ne me donnais pas le droit de l’exprimer. Entendre ma sœur qui exprimait son dégoût pour cet homme qui m’a violée, pour moi cela équivalait à un gros câlin qui réconforte. Redonnez à l’agresseur sa culpabilité. De cette façon, vous libérez la victime.

Dites que vous êtes là. Il est normal de ne pas savoir quoi faire, quoi dire, nous avons tous nos forces et nos faiblesses. Chaque personne autour de moi m’a apportée quelque chose d’extraordinaire, de différent et d’essentiel. Mon conjoint n’est pas doué dans les conseils et il le sait, mais il a été parfait pour me soutenir. Jamais il ne m’a fait sentir mal parce qu’un soir je ne pouvais m’occuper des enfants ou que j’avais une humeur exécrable.  Soyez disponible pour offrir votre aide, quelle qu’elle soit. Dites simplement que vous êtes là.

Assurez-vous que la personne ait de l’aide. « Tu vois un médecin? » « Tu consultes un psychologue? » « Tu veux porter plainte? Je peux t’aider… » Être victime d’une agression sexuelle, c’est grave. Vraiment. Ne laissez pas la personne seule. Elle a besoin d’aide. Ne sous-estimez pas les dommages.  La personne doit être entourée… elle a besoin d’être sauvée. Si vous connaissez des ressources qui pourraient lui venir en aide, écrivez-les sur un papier et donnez-le lui, même si elle dit qu’elle n’en a pas besoin. Car peut-être que plus tard, ce petit papier l’aidera plus que vous ne le croyiez.

Ne restez pas seul. N’hésitez pas à aller chercher de l’aide et demander de l’information. Aider une victime peut être lourd et il est normal que vous vous sentiez démunis faire à cette situation. Ma sœur n’a pas hésité à appeler le regroupement des CALACS et le CAVAC. Ils sauront vous donner les conseils appropriés pour mieux guider cette personne qui vous est chère. Confiez-vous aussi à quelqu’un de confiance. Recevoir un tel cri du cœur est bouleversant et est une expérience marquante. Vous avez sûrement besoin vous aussi de vous confier.

Une victime d’agression sexuelle ne veut pas qu’on ait pitié d’elle. Avoir été victime, ce n’est pas avoir été faible, c’est avoir vécu une injustice. La pitié ne fait que renforcer la honte.

Une victime d’agression sexuelle ne peut pas simplement se changer les idées, penser à autre chose ou se concentrer sur le présent. Cela viendra, mais d’abord, elle doit guérir. Et cela peut prendre du temps.

Continuez à l’aimer et dites-le lui! Car si elle vous  a choisi pour se confier ou pour demander de l’aide, c’est que vous êtes vraiment très important.e pour elle! C’est que vous êtes une personne de confiance, une personne extraordinaire!

 

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